La différence des sexes est-elle soluble dans l'alcool ?

Publié le par Jean-Claude Pompougnac

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C’est une constante de la description sexuée des faits sociaux : le général est masculin, le particulier ou le différent est féminin.

 

Pour l’auteur de ce blog, rien n’est plus important que d’ouvrir des brèches, débroussailler les sentiers de traverse et faire place nette aux diagonales du flou...

 

En conséquence, aujourd’hui La Cité des sens voit double, en levant le coude, un coup de trop, celui du bonjour les dégâts et tu t’es vu (e)  quand t’as bu ?

 

 

L’alcoolisme n’a eu un sexe qu’à partir du moment où l’alcoolisme féminin a été « découvert ». C’est une constante de la description sexuée des faits sociaux : le général est masculin, le particulier ou le différent est féminin. Que recouvre cette notion d’alcoolisme féminin et quelle en est la légitimité ?

Au XIXème siècle, alors que l’industrialisation se développe et que se répand la conscience de classe, règne un sentiment de différence profonde entre dominants et dominés : les dominés appartiennent à un groupe « naturel », proche de la nature et de l’instinct, les dominants sont du côté de la culture, c’est-à-dire surtout des techniques et instruments de domination. L’alcoolisme est considéré comme une maladie et la marque de dégénérescence de la classe dominée. Quant aux femmes alcooliques, elles sont immergées dans ce groupe « naturel » : il n’y a pas d’alcoolisme masculin ou féminin pour les médecins, il n’y a qu’un alcoolisme et un sous-chapitre de l’alcoologie consacré au cas particulier des femmes (« l’alcoolisme est un fléau et il y a même des femmes qui boivent ! »). Toutefois l’idée d’une spécificité féminine n’est pas absente : l’époque retentit des luttes pour l’égalité, et pour ses adversaires, il est intéressant de trouver des justifications pour soutenir l’infériorité de la femme, les différences anatomiques et physiologiques étant particulièrement pratiques pour asseoir les inégalités. Même le grand sociologue Durkheim écrira dans son étude sur le suicide : « Il n’y a pas lieu de supposer que, jamais, la femme soit en état de remplir dans la société les mêmes fonctions que l’homme » (1897).

(...)

Néanmoins ce discours alarmiste soutenu par le corps médical a propagé avec lui une véritable idéologie pseudo-scientifique de l’alcoolisme féminin. La consommation des femmes sera décrite comme solitaire et clandestine : le mari insatisfait va au cabaret, la femme reste dans sa cuisine et boit en cachette. Ces stéréotypes, au lieu d’attirer l’attention sur l’isolement de certaines femmes et d’ouvrir des pistes d’aide, vont au contraire nourrir le fantasme masculin de la femme « dissimulatrice ». Un autre trait largement souligné de l’alcoolisme féminin sera son caractère honteux : la femme se doit d’être belle, gardienne des valeurs morales et mère exemplaire, la société n’aura pas pour elle l’indulgence qu’elle a pour l’homme. L’alcoologue se fait juge et la tyrannie de l’opinion s’installe dans le discours médical. Dès lors, l’infraction à un tel interdit social ne peut relever que d’un comportement irrationnel et pathologique : face à l’homme alcoolique normal, il y a la femme alcoolique anormale, forcément névrotique, peut-être psychotique ! On se posera « scientifiquement » la question de savoir si la femme est névrosée parce qu’elle boit ou si elle boit parce qu’elle est névrosée et on constatera sans s’en étonner que les troubles psychiatriques sont beaucoup moins fréquents chez l’homme alcoolique. Le « naturalisme » qui stigmatisait les classes laborieuses au XIXème siècle est donc toujours de mise pour les femmes, fut-ce sous l’euphémisme « d’éternel féminin ».

 

Lire l’article (sur le site de la Fédération des maisons médicales) : L’alcoolisme est-il soluble dans le féminisme ?

Sur cette même question, La Cité des sens a déjà publié :    

 

 

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