Culture laïque et laïcité culturelle

Publié le par Jean-Claude Pompougnac

« Où plusieurs démonstrations sont données de cette thèse : la liberté de philosopher ne menace aucune piété véritable, ni la paix au sein de la communauté publique. Sa suppression, bien au contraire, entraînerait la ruine et de la paix et de toute piété ».

Baruch Spinoza. Traité théologico-politique. Préambule

« Il devrait y avoir en toute constitution un centre de résistance contre le pouvoir prédominant et, par conséquent, dans une constitution démocratique un moyen de résistance contre la démocratie ».

John Stuart Mill, Considérations sur le gouvernement représentatif. (1861)

« La démocratie, cela ne consiste pas à s'unir, comme l'annoncent sans cesse les conservateurs attardés. C'est au contraire l'art de se diviser ».

Alfred Sauvy. « Le coq, l 'autruche et le bouc... émissaire (Grasset 1979), 'autruche et le bouc émissaire

La cité des sens, le blog de Jean-Claude Pompougnac
Jeanne Laurent et Jean Vilar

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a un peu plus de deux ans déjà, j'entreprenais ici la publication d'une série de billets sous le titre générique Culture, éducation, scolarisation.

 

Au fil du temps s’est consolidée une façon de parler de« la culture », un ensemble de conventions, de routines, de manières de s’entendre entre soi, partagées par les politiques, les techniciens et les milieux « artistiques » : une sorte de doxa « éclairée » qui n’aurait plus à rendre compte de ses convictions et des valeurs qu’elle promeut tant elle s’imposerait comme une évidence.

 

Quant à l’école (l'instruction publique/l’éducation nationale/l’institution scolaire/le système éducatif) elle semble être en proie à une « crise » qui n’en est plus une tant elle est permanente et engendre un frénésie de réformes, de plans et de lois.

 

Avant d’approfondir ce dernier point et pour le dire vite : l’école républicaine persévère dans son être et résiste sans relâche à prendre en compte les différences individuelles, sociales, culturelles et cognitives  des enfants : elle ne sait les considérer que comme des inégalités ou des handicaps.

 

L'art à l’école : paroles, paroles, paroles...

 

D’où mon agacement devant l’unanimité et la grandiloquence qui auréolent le thème de l ‘éducation artistique et culturelle  qui, volens nolens, sert de cache-misère à l’absence de perspective historique et prospective, à un manque de rigueur et de continuité de l’action publique tant dans le domaine de l’action culturelle que dans celui de l’instruction publique.

 Mais qu’on n’aille pas s’imaginer que j’ai quelque prévention que ce soit contre « l’art à l’école », la nécessité des « enseignements artistiques » ou « l’éducation artistique ».

 J’ai été en charge de ces questions au ministère chargé de la culture, puis dans un éphémère ministère de l’éducation nationale et de la culture. C’était il y fort longtemps, il est vrai. Plus avant encore, j’avais été enseignant, en particulier dans les écoles normales d’instituteurs (que j’ai fuies à très grande vitesse lorsqu’elles sont devenues I.U.F.M.); un peu étudié les questions scolaires et l’histoire de l’institution et un peu publié sur le sujet.

 Ce qui motivait mon travail et la participation à des groupes de recherche ou d’action militante, c’était (c’est donc encore) la conviction que pour que vive vraiment la démocratie, le débat public est absolument nécessaire mais requiert rigueur, exigence et... culture.

Conséquence  impérative : il faut résolument batailler contre la confusion, les approximations, les rideaux de fumée et la manipulation des citoyens.

 

Inculture et autoritarisme dogmatique.

 

Or, ces derniers temps on assiste à une instrumentalisation politicienne de la question de la laïcité – question qui, cela va de soi, a toujours été et restera nécessairement polémique.

 

Pour imposer leurs vues les actuels responsables de l'action publique font usage, sans vergogne, de l'inculture péremptoire et du fondamentalisme autoritaire.

 

"Le ministre de l’Éducation nationale actuel raffole de l'adjectif ''républicain'' et invoque à tout propos (voire hors de propos) la « République ». Mais il se peut que, au moins dans ce domaine, il soit plus proche de l'époque de la « Monarchie constitutionnelle" (celle de Louis-Philippe) que de la période fondatrice de l’École républicaine".

(Claude Lelièvre, historien de l'éducation)

 

Voir sur ce blog : L'école de la confiance, machine de guerre contre la liberté pédagogique.

 

Quant à la secrétaire d'Etat déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, elle aurait déclaré dans un entretien au magazine Le Point que : '' La loi de 1905 était une loi de gauche défendue par le PCF »

Comme chacun sait, le Parti communiste français est né en 1920 à l'issue du Congrès de Tours.

Avec l'arrogance de l'ignorance, ils fabriquent à la tronçonneuse et nous imposent une laïcité à leur mesure, à la mesure de leur mépris pour l'histoire et de leur dogmatisme néo-libéral.

Cette ministre (ou au moins un membre de son cabinet) a-t-elle connaissance des longs et vifs débats démocratiques qui ont abouti au toujours fragile compromis de la loi en question ?

Voir sur ce blog : Une ministre de la République crypto-marxiste ?

Le XXI ème siècle sera spirituel ou ne sera pas ?

Sous la IV ème République, avant André Malraux et la création d'un ministère chargé des affaires culturelles, lorsque « les beaux arts » étaient encore sous la dépendance du ministère de l'éducation nationale, la pionnière de la décentralisation théâtrale exprimait déjà clairement une approche laïque et , en même temps, spirituelle de qui s'appelait pas encore une politique culturelle.

 

 

"Pourquoi le grand public a-t-il rarement accès aux chefs d'œuvre contemporains ? … Pourquoi refusons-nous de voir les problèmes de l'éducation artistique quand nous prétendons garantir à tous l'accès à la culture ? … Comment se fait-il que nous ne construisons pas comme nos voisins des théâtres et des salles de concert ? Dans quels autres temples une société laïque peut-elle avoir une vie spirituelle de communauté ? 

(...)

Notre régime doit prendre conscience qu'une démocratie laïque, si elle est fondée sur des valeurs spirituelles, est moralement obligée d'avoir une politique artistique, non pour la gloire du Dieu ou du souverain, comme sous l'ancien régime, mais pour procurer à la nation les formes spirituelles dont elle a besoin".

Jeanne Laurent La République et les beaux arts, Julliard-1955

 

 

A propos de cette formule attribuée à André Malraux : Le XXI ème siècle sera spirituel ou ne sera pas

 

La Cité des sens. Culture et politique
André Malraux

 

 

 

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