Un complot dans la culture ?

Publié le par Jean-Claude Pompougnac

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I. Culture du complot : du théâtre des ronds-points au Café du Commerce.

Médiapart. 8 février 2019.

Titre :

Les institutions culturelles apportent un soutien massif à Christophe Castaner.

© Jean-Marc Adolphe.

 

Chapeau :

Qui ne dit mot consent. Le silence des institutions artistiques et culturelles à l'endroit des Gilets jaunes est assourdissant. Au début les responsables culturels voulaient rester "probes". Maintenant, ils sont complices des violences policières. Tant qu'il y a quelques privilèges à préserver, tels ceux que s'octroie Olivier Py...

 

Photo ainsi légendée :

 

Paul Rondin, directeur adjoint du festival d'Avignon, Christophe Castaner et Olivier Py : les meilleurs copains du monde.

 

Fac-simile d'un communiqué du SYDEAC du 8 février, suivi de ce commentaire :

 

Fiction, bien évidemment, que ce (faux) communiqué du SYNDEAC. Mais au fond, c’est ça. Comme dit l’adage : qui ne dit mot consent.

 

Suit le compte-rendu d'une « enquête » de l'ancien fondateur et directeur de (l'excellente) revue Mouvement.

 

Sont visés et soigneusement alignés Marie-José Malis, Stéphane Nordey et cible majeure, Olivier Py.

 

Où l'on finit par en apprendre un peu plus sur la photo mise en tête de l'article :

 

[Olivier Py ] devrait compter pour cela sur un bon camarade, en la personne de Christophe Castaner, avec qui il a copiné en juin 2015 lorsque ce dernier était venu visiter La Fabrica, lieu permanent du Festival d’Avignon, battant la campagne des élections régionales pour le compte (à l’époque) du Parti socialiste.

 

Au passage, une « légère » instrumentalisation de l'histoire et du travail des historiens au service d'une démonstration un peu "lourdingue" : faire passer les « gilets jaunes » pour des enfants du Front populaire :

 

 

Se souvenir en effet que l’actuelle politique culturelle française trouve ses racines du côté du Front populaire, sous le gouvernement de Léon Blum. Comme le rappelle l’historien Pascal ORY  : « menée par Jean Zay, ministre de l’ Éducation Nationale et des Beaux-Arts, avec Léo Lagrange, Secrétaire d’État aux Sports et Loisirs, [cette politique] était destinée à développer les pratiques culturelles et à les démocratiser pour les mettre à la portée de tous les citoyens. La création artistique et la recherche scientifique, l’éducation et l’information, enfin les loisirs populaires –parmi lesquels le sport- firent l’objet de multiples initiatives, dont il importe de souligner qu’elles furent, suivant les moments et les terrains, promues non seulement par les pouvoirs publics mais aussi par un vaste mouvement associatif, pour l’essentiel né du Front populaire. »

 

Le lecteur de La Cité des sens qui s'octroiera le loisir d'une lecture attentive de cette lourde charge contre l'establishment culturel me corrigera s'il trouve dans ce plaidoyer -comme, hélas, dans beaucoup d'autres du même tonneau- en faveur du « mouvement»-  la moindre condamnation (ou , au moins, l'évocation explicite) des excès nauséabonds d'une minorité de cette immense majorité d'un « peuple » en légitime soulèvement. La révolution n'est pas un dîner de gala et il faut donc savoir détourner pudiquement le regard lorsque sont franchies les lignes jaunes.

 

Enfin, in cauda venenum, la flèche qui tue, le terrible « ce n'est pas un hasard si... », je cite :

 

Lundi dernier, 4 février 2019, alors que le Syndeac réunissait son conseil national, et qu’au même moment, une tentative de perquisition visait les locaux de Mediapart, Christophe Castaner était à Montpellier afin d’y inaugurer une antenne du Raid.

 

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir clairement la logique de ce complot !

 

Il est logique, par conséquent, que les institutions artistiques et culturelles se tiennent à l’écart d’un mouvement populaire qui réclame une meilleure redistribution des richesses, y compris culturelles.

 

 

 

 

  1. Mieux faire culture, ensemble.

 

Ce constat répété ici ou là que « la culture » n'intéresse pas le mouvement dit « des gilets jaunes », qu'elle est absente du grand débat national ou, dans le version intellectuellement alambiquée évoquée ci-dessus, que les nantis de « la culture » sont complices d'un pouvoir à la solde de l’ultra-libéralisme, ce constat me fatigue quelque peu.

 

D'abord parce qu'il est accablant, en effet, de constater que le statu quo, le désordre établi, l'iniquité sociale parviennent à maintenir leur domination face à l'engagement de certains artistes et citoyens dans une action culturelle qui se veut émancipatrice, à des politiques culturelles parfois ambitieuses et innovantes et aux multiples initiatives émanant de la société civile pour établir des ponts entre des domaines et des territoires arbitrairement découpés par des logiques poltico-administratives et des systèmes de représentation hérités et paresseusement reconduits.

 

Ensuite parce que les analyses pertinentes de ce état de fait et les appels à la « refondation » ne manquent pas même si ils sont noyés dans le confortable « mainstream » qui fait l'ordinaire de l'entre soi des décideurs ou celui du « monde de la culture ».

 

Il se trouve que j'ai eu la chance de contribuer modestement au patient travail d'analyses concrètes de situations concrètes conduit par l'Institut de coopération pour la culture

 

Cet espace d'intelligence collective a publié en février 2018 une synthèse de ses travaux, synthèse qui anticipait les principaux attendus de la crise qui couvait depuis un bail et qui se manifeste aujourd'hui dans l’inquiétante étrangeté du tristement prévisible et de l'irruption inattendue du conflit qui vire à la haine.

Je reproduit ici des extraits de l'ouverture de cette contribution.

 

Il devient chaque jour plus évident que le système d’intervention publique en faveur des pratiques artistiques et culturelles peine à répondre aux attentes toujours croissantes tant de nos concitoyens que des professionnels de ces secteurs d’activité, comme aux nécessités accrues de leur coopération avec les collectivités publiques et de celle des collectivités entre elles.

(...)

L’absence d’un débat global ne fait qu’exacerber les tensions actuelles autour de la question des expressions et des équipements artistiques, de l’identité culturelle et de la citoyenneté, des approches sectorielles et transversales. Elle conduit également à reléguer au second plan les logiques sociales et éducatives ou économiques et territoriales pourtant elles aussi constitutives des pratiques artistiques et culturelles. Les difficultés rencontrées par les acteurs ne doivent pas occulter la nécessité de mettre en pensée ces tensions.

(…)

Au final, ces éléments plaident pour une société capable de prendre en compte la diversité des cultures qui lui est constitutive et d’écrire une nouvelle équation aussi bien pour une éducation renouvelée que pour un développement équitable sur les plans culturel, économique, territorial et social. Parce que nous refusons de voir s’accroître les processus de discrimination actuellement à l’œuvre sur tous ces plans, nous estimons qu'une première étape devrait consister à mieux reconnaître et accompagner la multiplicité des expériences et des projets qui se développent aujourd’hui à ce sujet, partout en France et au-delà, ainsi que les innombrables contributions associées produites par les chercheurs et les praticiens.

(…)

Autant la puissance publique que la société civile sont confrontées depuis une quarantaine d’années à une révolution productive et sociale qui modifie profondément nos différents repères de vie, d’action et de symbolisation.Le mode de développement que cette révolution induit se révèle, pour le moins, non spontanément inclusif et solidaire. La nécessité d’inventer un nouveau compromis social d’ensemble s’en fait d’autant plus pressante.

Les pratiques artistiques et culturelles sont partie intégrante de ce bouleversement général. Elles constituent des démarches inédites d’expérimentation symbolique, toujours pour partie en tension dans le double mouvement actuel d’hétérogénéisation et d’uniformisation culturelles de nos sociétés.

Dans leur part la plus émancipatrice, les pratiques artistiques sont, quant à elles, au cœur de processus dialectiques de construction et de transformation des identités culturelles, sur les plans aussi bien personnels que collectifs Dans ces conditions, devient toujours plus urgente la nécessité de travailler à une laïcité culturelle élargie, respectueuse de la diversité des expressions culturelles, mais dans un cadre englobant de valeurs communes permettant l’ouverture et l'hybridation réciproques de ces expressions différenciées. Au renforcement des droits culturels et de la participation à la vie culturelle de chacun doivent alors correspondre des devoirs de coopération renforcée et de réciprocité au sein et entre les communautés culturelles, source d’une citoyenneté elle aussi encore largement à inventer.

 

Accéder au texte Mieux faire culture, ensemble sur le site de l'Institut de coopération pour la culture.

 

 

A SUIVRE

 

 

 

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Votre blog a donné lieu à une création de notice bibliographique dans le catalogue de la

Bibliothèque nationale de France.

 

Il lui a été attribué un numéro international normalisé

ISSN : 2270-3586

Type : document électronique, publication en série
Auteur(s) : Pompougnac, Jean-Claude (1946-.... ). Auteur du texte
Titre clé : La Cité des sens

Titre(s) : La Cité des sens [Ressource électronique] : le blog de Jean-Claude Pompougnac
Type de ressource électronique : Données textuelles et iconographiques en ligne
Publication : [Fresnes] : [Cité des sens], 2006-

Note(s) : Blogue. - Notice rédigée d'après la consultation de la ressource, 2013-11-14
Titre provenant de l'écran-titre
Périodicité : Mise à jour en continu
Indice(s) Dewey : 020.5 (22e éd.) ; 301.094 4 (22e éd.)
ISSN et titre clé : ISSN 2270-3586 = La Cité des sens
ISSN-L 2270-3586
URL : https://cite.over-blog.com/. - Format(s) de diffusion : HTML. - Accès libre et intégral. - Consulté le 2013-11-14

Notice n° : FRBNF43711075

http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43711075f/PUBLIC

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V
Quelle étrange manière de voir les choses !
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