Diversité culturelle... et politique !

Publié le par Jean-Claude Pompougnac

Je suis quand même un peu étonné du manque de reprises, relais, commentaires (voire, pourquoi pas… critiques ?) du long texte du secrétariat national à « la culture » du Parti Socialiste.


L’affiche (l’avez-vous vue ?) proclame : La ville créatrice de culture pour tous.

Et le texte, certes, comporte quelques formules qu’on pourra trouver un peu convenues, grandiloquentes ou au lyrisme désuet comme :

Pour faire société, il faut faire ensemble.

Placer l’art et la culture au cœur des politrqiues publiques.

Notre projet s’ouvre grand sur les principes d'une société respirant la démocratie qui favorise la citoyenneté et l'émancipation.

Il faut être indulgent, c’est quand même un peu la loi du genre.

Mais ce qui devrait retenir l’attention dans ce texte, c’est l’agencement, la combinaison, le « tissage » –comme on voudra- de principes et de logiques politiques assez différenciées à la vérité. Tout y est. Aucun argument ne manque à l’appel pour justifier une ambition culturelle « forte », comme on dit.

Il est vrai, comme l’indique le texte lui-même, que :

Depuis l'arrivée de François Hollande à l'Élysée, un frein a été mis à l’aggravation de ces tensions là où elles étaient alimentées par le pouvoir sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C’est parce que la gauche dirige deux villes sur trois, vingt régions sur vingt-deux et les deux tiers des Conseils généraux qu'elle a pu, durant dix ans de droite, continuer à faire survivre la culture.

 J’éviterai d’ironiser sur la capacité du Président à « mettre un frein »… je retiendrai plutôt qu’avec deux villes sur trois, la gauche déploie très probablement des stratégies assez variées en matière de politiques culturelles et que c’est l’addition (plutôt que la synthèse) de ces styles politiques qui expliquent le caractère bariolé de ce texte.

Quelques exemples :

(…)

Par ailleurs, plus personne ne peut raisonnablement contester que la culture est une voie à exploiter dans la sortie de la crise pour restaurer le lien social et même pour réinventer et stabiliser des activités productrices de richesse. Les territoires les plus innovants sur un plan économique et industriel sont ceux qui disposent d’un « biotope » artistique et culturel particulièrement actif. La « création » tant souhaitée sur les territoires passe par leur attractivité et par les cercles vertueux qui génèrent de la porosité entre les forces des imaginaires et celles qui inspirent l’audace d’entreprendre, d’inventer et de se développer. Cette condition est à prendre farouchement en compte et appelle à lutter contre les inégalités territoriales car le développement économique ne peut se satisfaire d’une hyper-concentration  culturelle. Il faut mettre les différents paramètres  en dialogue, en réseau et en partage sur les territoires.

 

Parce que l’art et la culture permettent à l'individu d’être présent au monde, à l’écoute de l’autre  et de lui-même, nous réaffirmons qu’ils sont  consubstantiels d’un projet de société et donc d’un projet de territoire. Nous soulignons par ce texte l’engagement du Parti socialiste à placer dans les prochaines élections municipales les politiques culturelles comme un fait majeur et transversal de l’action publique qui ne s’exonère ni d’évaluation et de revisite, ni d’ambitions nouvelles. Notre projet s’ouvre grand sur les principes d’une société respirant la démocratie qui favorise la citoyenneté et l'émancipation. Il aspire à l’épanouissement personnel autant qu’à l’action collective.

 

Au final, même l’éducation n’est pas autre chose  que l’acquisition d’une culture commune dès le plus jeune âge. Elle permet aux individus de poser les bases du Vivre Ensemble. La culture est donc ce qui fait l’identité de la population  d’un bassin de vie et, en fin de compte, ce qui  rend l’Homme un peu moins esclave.

La culture est une valeur de gauche que les socialistes doivent défendre devant leurs concitoyens et continuer d'en faire une priorité budgétaire ; son partage est un marqueur de gauche que les socialistes devront défendre pour leurs concitoyens.

 

(Aucune coupure de ma part dans les trois paragraphes qui précèdent : on peut juger de la rapidité et de la fluidité  avec laquelle s’enchaînent les arguments…)

 

Dès lors, il convient de rappeler combien les initiatives soutenues par la puissance publique doivent placer au cœur de leurs missions la responsabilité sociale. Nous mesurons l’égale considération qui doit être portée à la place et à la liberté de la parole artistique. Nous prenons en compte la relation qui doit se constituer avec les publics.

En ce sens, si nous pouvons souligner l’importance de disposer d’équipements adaptés et de qualité, l’aménagement culturel des territoires a atteint un niveau qui demande à maîtriser cette politique du bâti pour imaginer des modes diérents de présence du fait artistique et culturel. Positionner les missions des lieux dans des projets de territoire, remettre la culture dans le quotidien des quartiers, de la vie de proximité, répondre à des besoins de lieux de travail et de création pour les artistes en favorisant des approches collectives et de croisement avec les habitants sont autant d'exemple d'un repositionnement des politiques culturelles municipales qui est déjà en marche. 

De ce fait, nous proposons d’encourager à la  fois le renouvellement des formes artistiques ainsi que l’innovation pour soutenir de nouveaux modes de co-construction et de participation des populations à la  vie culturelle.

Chaque citoyen porteur de son propre univers de référence et de goûts doit pouvoir se sentir acteur et trouver les conditions d’une rencontre avec des esthétiques qu’il ne côtoie pas naturellement. Les études sur les pratiques culturelles tendent à  démontrer un déficit de renouvellement des

publics, un cloisonnement des individus sur leurs univers multimédias personnels, une communautarisation suivant les goûts ; face à cela, nous nous engageons à traiter avec la même attention des pratiques et des esthétiques de nature tout à fait diverse, à lutter contre les stéréotypes qui peuvent se manifester contre certaines d’elles (comme le métal ou le hip hop…), à soutenir la pratique collective, à faire croiser les publics, à développer par tous les moyens la médiation et la sensibilisation. Cela impose de réinterroger régulièrement aussi les projets et les équipes des établissements culturels avec des missions bien plus vastes que le remplissage des salles, de résister aux conformismes et aux corporatismes. Plus globalement, c’est aussi une approche plus « impliquante » de l’interprétation du patrimoine qui peut s’expérimenter dans les villes en faisant valoir la mémoire orale, les  héritages contemporains, la culture scientifique  et technique...

 

L’enjeu du vivre ensemble tend à encourager les démarches d’innovation dans la relation aux publics, nous assumons un droit à l’expérimentation politique qui implique un droit à  l’erreur  .

Nous nous engageons à placer avec le même niveau de reconnaissance les acteurs issus des mondes de l’action sociale, des sphères éducatives (notamment l’éducation populaire) ou économique (notamment les comités d’entreprise) pour participer au développement culturel.

Pour disposer de territoires culturellement dynamiques, nous devons aussi reconnaître que la richesse d’un territoire passe par la prise en compte que la vie culturelle est constituée également d’institutions, d’associations et de nombreux acteurs de la société civile ou de l’économie qui ne sont ni nécessairement repérés, ni accompagnés directement par la collectivité.

 

(…)

Placer l’art et la culture au cœur des politiques publiques.

 

 Cela passe en premier lieu par soutenir une place pour les artistes au cœur de la cité en les associant à part entière aux projets territoriaux qui les concernent, en leur garantissant des financements publics adéquats. Les socialistes doivent toujours réaffirmer que l’existence de  l’art et de la culture dans les territoires passe nécessairement par la présence des artistes.

Les enjeux de transformation de la vie locale par l’action culturelle et artistique recouvrent d’autres sphères de l’action publique. Ainsi, il importe de les faire partager par l’ensemble des équipes et administrations mobilisées autour d’un projet municipal. Certaines politiques publiques se révèlent même déterminantes dans la réalisation de projets culturels locaux.

 

Avec la réforme des rythmes scolaires que le gouvernement a eu la témérité de mettre en œuvre et l’engagement du ministère de la Culture pour l’éducation artistique, les communes  se trouvent en responsabilité de profiter de  cette opportunité pour inventer des modes de  transmission véritablement différents.

Il importe ainsi d’associer dans un mouvement commun les acteurs culturels, les artistes eux-mêmes et les fédérations d’éducation populaire pour construire un véritable parcours d’éducation artistique.

 

(…)

 

À partir des réalités locales peuvent donc s’expérimenter des formes d’une autre économie de la culture en en prenant en compte particulièrement la dimension sociale et solidaire.

 

Les réalités territoriales sont parfois cruelles pour la vie culturelle des citoyens. Des métropoles aux communes rurales, les stratégies et les marges de manœuvre des politiques qui y sont  liées sont profondément différentes. Et il n’est  pas anodin que le sentiment d’isolement qui s’exprime notamment par les votes extrêmes soit notamment positionné là où se manifeste le  déclassement des personnes (déficit de services,

crise de l’immobilier, activité économique embourbée…), dans les quartiers sensibles, les zones périurbaines et rurales.

Les stratégies d’accès à la culture doivent impérativement de plus en plus se penser collectivement et au-delà des seules limites communales. Il faut donc développer le rôle et l’ambition culturelle à l’échelle des intercommunalités, mettre en résonance aux échelles départementales et régionales les dynamiques concentrées au niveau des grandes villes avec leurs territoires d’influence.

Cela concerne notamment les politiques d’aménagement, de transport,  de diffusion, d’enseignement artistique, de  lecture publique…

 

Après les droits culturels et l’économie sociale et solidaire, il n’est pas jusqu’à l’Agenda 21 pour la culture qui ne vienne enrichir cette pluraliste plateforme…

 

L’Agenda 21 de la culture est le premier document à vocation mondial établissant les bases d’un engagement des villes et des gouvernements locaux en faveur du développement culturel. L'Agenda 21 de la culture a été approuvé par des villes et des gouvernements qui s'engagent dans les domaines des droits de l'homme, de la diversité culturelle, du développement durable, de la démocratie participative et de la création de conditions pour la paix et notamment :

- maintenir la diversité culturelle en encourageant toutes les formes de culture, favoriser l’accès à la culture (politique tarifaire, médiation culturelle), rendre accessible à tous  les habitants l’offre culturelle,

- améliorer la qualité de l’offre éducative, valoriser  l’expression artistique,

- appliquer les principes du développement durable aux événements culturels (éco- organisation).

 

Conclusion : cessez de répéter que la Parti du Président ne s’intéresse plus à la culture, que les politiques culturelles locales se sont dissoutes dans l’économisme, la compétition entre territoires ou le « tout culturel, médiatique et numérique » : analysez plutôt attentivement les ressorts d’une argumentation qui tente de repeindre le catalogue des bonnes intentions aux couleurs de la cohérence politique.

C'est à lire ici.

 

A suivre… le 6 mars le document de la FNCC sur la même actualité politique.

♦ ♦ ♦

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M
<br /> J'ajoute ceci: une chose n'est pas claire dans le texte. A-t-on besoin des artistes ou de l'art? Des artistes et de l'art?<br /> <br /> <br /> Je crains que ce texte n'affirme la nécessité de la présence d'artistes...sans fonder la nécessité de l'art, donc sans fonder la nécessité de produire de l'art.<br /> <br /> <br /> Artistes sans art....???? Des artistes dont on ne dit pas que s'ils sont artistes c'est parce  qu'il produisent quelque chose que l'on nomme de l'art. Une question qu'il faut aborder<br /> frontalement, et non par omission.<br />
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M
<br /> Oui, il y a peu de réactions. Je crois que la réalité vécue par les artistes et acteurs culturels fait que la "sensiblité" aux intentions, fussent-elles politiques, est profondément émoussée...<br /> Words, words??? Et ça risque de durer. Il faudra passer par l'épreuve de la preuve. Et les mots utilisés dans le discours politique, s'ils n'ont pas changé dans le vocabulaire, ont profondément<br /> changé de signification, voire se sont  carrément inversés... Chacun en voit/vit les effets dans sa vie artistique et culturelle concrète. Il y aura donc un certain temps (un temps certain?)<br /> entre ces propos et leur  possible réception. En outre, last but not least, le rapport des artistes à la chose publique, aux politiques publiques, aux enjeux sociaux, à la resonsabilité<br /> sociale, à la question de l'art lui-même a profondément changé. Le discours politique ne s'adresse plus au même monde culturel et artistique qu'il y a peu. La mémoire de la réalité de ces<br /> dernières années (et actuelle) est épaisse. Les poltiques le savent-t-ils? Le monde artistique et culturel a éclaté, individuellement, institutionnellement et artistiquement; il est dans un tel<br /> état d'anomie et de concurrence et de sentiment de fragilité que l'effet des discours politiques est loin d'être celui que l'on peut attendre. . Il va falloir mettre en place, au plus près des<br /> artistes et acteurs culturels des dispositifs concrets. Sinon...<br /> <br /> <br /> Je pense, par exemple, à deux questions complémentaires, à mon sens, incontournables:<br /> <br /> <br /> - comment articuler politiquement et concrètement, aujourd'hui, l'autonomie artistique et la responsabilité sociale, dans le cadre des politiques publiques?<br /> <br /> <br /> - comment prendre en compte concrètement (autrement qu'avec des compliments) les conclusions du rapport Bacqué/Mechmache?<br />
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