La culture entre routines et controverses.

Publié le par Jean-Claude Pompougnac

Jean-Michel Lucas, (…) a récemment fait paraître un synthétique « dossier d’experts » aux éditions Territorial : Les droits culturels – Enjeux, débats, expérimentations. Il ne faut pas s’arrêter au seul nom de la collection : si l’auteur est effectivement bien un expert reconnu, l’ouvrage de quelque 150 pages, divisé en une douzaine de chapitres, se lit aisément.

C’est que Jean-Michel Lucas, ancien professeur d’économie, n’a rien perdu de sa faculté didactique à expliquer – en détails et avec une logique construite – les enjeux d’une problématique gravée dans la loi, mais échappant aux législateurs, scellée dans l’humanité, mais pourtant controversée.

© Pierre MONASTIER, Profession spectacle, recension de Jean-Michel LUCAS, Les droits culturels. Enjeux, débats, expérimentations, Territorial éditions, coll. « Dossier d’experts », 2017, 147 p., 62 €

Lire la recension


 

On suivra donc avec le plus grand intérêt, la nouvelle rubrique ouverte par cette même revue et confiée au même Jean-Michel Lucas Les bons mots des droits culturels.

Toutes les semaines, cette chronique proposera un instantané recto-verso d’un « bon mot » de la politique culturelle. Le recto donnera le sens du mot aujourd’hui, dans la routine des discours des acteurs du champ culturel. Le verso mettra en lumière ce qui fait sens pour une politique culturelle soucieuse de respecter les droits culturels des personnes.

Passer du recto au verso s’impose d’autant plus que la France a des lois ; elles exigent que les politiques publiques en matière culturelle fassent référence aux droits culturels… Sauf que ni le législateur, ni les exécutifs n’ont pris soin de décoder le sens des mots qui accompagnent cette obligation mal comprise et peu appliquée.

Quels sont alors les « bons mots » pour une politique culturelle soucieuse de faire progresser les droits culturels et, avec eux, les droits humains fondamentaux ?

Tel est le moteur de cette chronique : les « bon mots du Doc Kasimir Bisou ».

Le choix des mots résulte de la réflexion engagée par la région Nouvelle-Aquitaine, [réflexion déjà signalée sur La Cité des sens] avec plus d’une soixantaine de volontaires, pour répondre autant qu’il est possible à la question : comment les règlements d’intervention de la région devraient-ils évoluer pour tenir compte de ces droits humains fondamentaux que sont les droits culturels des personnes ?

Bien évidemment, les propos tenus dans cette chronique, s’ils sont nourris des échanges avec les volontaires de la région – et d’ailleurs – engagent la seule responsabilité de l’auteur de cette chronique !

Les huit premiers « bons mots » au programme sont alors : « publics », « offre culturelle », « besoins culturels », « création »,  « démocratisation de la culture », « culture »,«médiation culturelle », « transversalité », en attendant une autre fournée des indispensables (« proximité »,  « éducation artistique et culturelle », « amateurs » ou « patrimoine »…).

L’ordre des bons mots résulte de la pratique de la conversation avec des acteurs culturels. Les  premiers mots furent les plus délicats à manier car leur recto s’impose tellement que nul ne songe à regarder au verso du sens ancré dans la routine ! Mais ces mots, une fois retournés, ont ouvert les portes d’un autre regard. La discussion a pu s’orienter vers une politique culturelle fondée sur les valeurs universelles des droits humains.

Doc Kasimir BISOU


 


 

Il sera passionnant dans les semaines et les mois qui viennent de confronter cet exercice avec le projet et l'appel à contributions lancé par le Réseau culture 21 :

Controverse sur la création au regard des droits culturels


 


La controverse

La pratique de la controverse est en quelque sorte une technique de combat… Intellectuel, bien évidemment. On peut aussi parler d’une mise en scène de la pensée critique. Elle peut être conçue concrètement comme un exercice de la pensée, destiné à explorer toutes les tensions contraires, voire contradictoires, qui constituent le fond d’un sujet dont on dit « qu’il fait débat ». Le plus important réside dans la manière d’explorer ces tensions: pas seulement par la réflexion individuelle mais par l’exercice de la parole et de l’échange effectif, entre des personnes concernées ou impliquées qui acceptent de « jouer » la controverse. Autrement dit mettre en scène une controverse, c’est s’y coller, à plusieurs, avec la tête et le corps, avec la raison et l’émotion, avec arguments et convictions intimes, c’est à dire dans une incarnation vivante des idées engagées. Pour faire court: un entraînement collectif à penser les droits culturels.

Jean-Pierre Chrétien-Goni

 

Dix sujets de controverse ont été retenus comme, par exemple :

 

L’ŒUVRE : Résultat versus processus

La sensibilité ! Explicitation du travail versus choc de l’œuvre

La valeur : Utilité sociale versus « l’art pour l’art »

LE GÉNIE : Un auteur versus un travail collectif

LE soutien public : Création orientée versus liberté de création.

 

 

Le lecteur soucieux d'apprécier l'originalité de ces oppositions et de mesurer la « modernité » de ces tensions inhérentes aux politiques culturelles se reportera avec profit à la magistrale mise en perspective historique proposée par Pierre Moulinier dans le cadre des travaux du Comité d'histoire du MCC (et publié sur son carnet de recherches) voir Écrits sur la démocratisation culturelle.

Le document est également téléchargeable

 

 

Il va de soi qu'il me faudra, une fois de plus, revenir sur ce navrant constat :malgré quelques déclarations générales du genre qui n'engage finalement pas à grand chose, il semblerait bien que le Ministère de la culture et de la communication persiste à avoir de gros problèmes de compréhension quant au principe des droits culturels.
Peureusement retranchée dans ses références et ses filiations (« élargir le cercle » des « bénéficiaires » de « l'offre » « culturelle »), la puissance publique dans son versant État/administration centrale, on dirait bien que les « droits culturels » ça lui prend la tête... et grave encore !
Or, ce ne sont pas seulement les budgets de l’État qui se réduisent comme un peau de chagrin, ni ses effectifs, mais son magistère, sa capacité à mettre en avant une vision stratégique et prospective, à assurer la régulation des mécanismes du marché, à assurer l'équité territoriale.
Peut-on se satisfaire des annonces (et des budgets de comm' correspondants ) sur le loto du patrimoine, le pass' culture ou la « culture près de chez vous » ?

 

En témoigne la récente prestation de rentrée de la locataire de la rue de Valois sur France Culture.

Françoise Nyssen : "Il est capital que la culture soit à l’école et se diffuse"

Aujourd’hui, il y a une fracture : des populations entières n’ont pas accès à la culture. Notre ambition est donc que cette fracture n’existe plus et il faut commencer dès le plus jeune âge, avec la formation culturelle à l’école, qui est par excellence le lieu de l’égalité. C’est le plan de l’école des arts et de la culture que je présentais à Jean-Michel Blanquer. C'est la première priorité de la politique que je mène. La deuxième, ce sont les territoires et la proximité.

SIC !!!

 

 

Chapitres précédents sur La Cité des sens

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Droits culturels : continuons le débat.

 

Le mérite des contributions évoquées dans cette note est de constituer un appel à la vigilance : la récente inclusion des droits culturels dans l’article 103 de la loi NOTRe, désormais une loi de notre République, ne saurait en aucune manière clore le débat.

 

Droits culturels : une longue histoire

 

Il est peut-être utile de situer le débat récent sur l’inscription ou non dans la législation française du concept de droits culturels dans un horizon historique plus large que celui de la signature par la France, dans les années 2000, de conventions internationales portant sur la nécessité de reconnaître, protéger et promouvoir la diversité culturelle.

 

Des droits culturels (1968) aux droits culturels (2015)

 

Je voudrais continuer le parcours engagé dans ces notes précédentes, de façon à attirer l’attention sur l’histoire des notions successives ou sédimentées qui ont fondé et légitimé l’intervention publique dans les affaires culturelles.Toutefois, je ne suis en aucune manière historien. Il ne s’agit donc que « d’arrêts sur image »...

 

Droits culturels : débat public ou théâtre d'ombres ?

 

"Le défi lancé est tout autre : penser, ensemble, la différence par laquelle toutes les sociétés (en des modalités variables) ont séparé et séparent du quotidien ordinaire, un domaine particulier de l'activité humaine, et les dépendances qui inscrivent (de diverses manières) l'invention esthétique et intellectuelle dans ses conditions de possibilité et d'intelligibilité".

(Roger Chartier, 1991).

 

Droits culturels et développement durable.

 Le paradigme du développement culturel, orienté par les valeurs de la démocratie culturelle, est entré en relation avec l’attention internationale accrue portée aux conditions d’un développement durable, depuis le rapport Brundtland (1987) jusqu’aux Déclarations de l’Unesco sur la diversité culturelle (2001, 2005), la fondation de l’Union des Cités et Gouvernements Locaux pour le développement culturel (Agenda 21 de la culture) et la Déclaration de Fribourg sur les Droits Culturels (2007).

 

Droits culturels : de la théorie à la mise en œuvre

Jean-Michel Lucas a bien voulu me communiquer quelques documents qui attestent des formes prises par cette mise en travail sur le territoire de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Je me réjouis de contribuer à les rendre accessibles (dans un champ gravement affecté par la maladie infantile de la grandiloquence, ce blog garde vivace l'exigence d'
analyses concrètes des situations concrètes).

 

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