La chose artistique

Publié le par Jean-Claude Pompougnac

Au moment de publier cette première note de l'année, je m'interroge. Dois-je la ranger dans la rubrique Humeurs ou dans Débats et réflexions ? L'avenir nous le dira peut-être.

 

Les mois qui viennent risquent d’être difficiles. Déjà quelques tribunes libres, quelques « Rebonds », un ou deux appels ont stigmatisé l’absence des enjeux artistiques et culturels dans le débat présidentiel.

Et quand ils sont abordés, l’indigence n’est pas loin.

Mais la compétition va s’aiguiser et viendra fatalement le temps des promesses.

Il est toutefois à craindre qu’entre les appels des uns et les engagements des autres, on s’épargne l’effort de l’indispensable diagnostic.

Et qui convoquera-t-on pour un droit d’inventaire ? Jack et Maryvonne comme le propose le numéro 142 (novembre décembre 2006) de la revue Le Débat ?

Debat142_1 La politique culturelle a eu son heure de gloire sous les deux septennats de François Mitterrand. Sous l'impulsion de Jack Lang, elle a acquis une forte légitimité et remporté de beaux succès. Depuis, elle peine à trouver sa voie ; elle est dans l'embarras, si ce n'est dans l'impasse, ne sachant plus ni avancer ni reculer, alors que la culture et la société, elles, évoluent à grande vitesse.
  N'est-il pas temps de la reconsidérer dans ses principes ? C'est ce que soutient Nathalie Heinich. Ne convient-il pas, demande-t-elle, de revoir les objectifs et de donner un autre cadre à l'intervention publique, compte tenu des conditions d'aujourd'hui ? Nous remercions Marc Fumaroli, Jack Lang, Maryvonne de Saint Pulgent et Philippe Urfalino d'avoir bien voulu nous confier leur avis sur son analyse et ses propositions.

Beau débat, en effet.

Cette impuissance des experts, des professionnels de la profession et des politiques à faire de l’art et de la culture un vrai enjeu de débat public, une vraie question citoyenne est en elle-même un diagnostic.

Mais ce serait quoi le démocratie participative en matière artistique?

L’oligarchie artistique et culturelle a beau jeu de répondre à l’avance : la pente glissante vers la démagogie.

Le discours est solidement établi et bien connu : le théâtre et la démocratie sont frère et sœur jumeaux nés dans la Grèce antique. L’agora et la tragédie sont les vrais fondements de la chose publique.

Certes Platon condamnait les artistes et voulait des rois philosophes. On n’en est plus là. Nos modernes et flamboyants artistes et ministres ont l’élitisme honteux puisque leurs discours respectifs (pour les uns la défense de leurs intérêts professionnels et de leur géniale singularité, pour les autres leur pouvoir de nomination dans les places enviées, d’attribution de la médaille des Arts et Lettres et –salut l’artiste !- de communiqués nécrologiques) partagent cette même figure de style : l’excellence artistique peut et doit être démocratisée.

Plus que jamais, ces discours de convenance m’ennuient et me fatiguent. Il m’arrive d’en produire, de participer à des débats, des colloques… à la vérité, je n’en suis pas particulièrement fier.

Je voudrais essayer de  parler d’autre chose, de la chose artistique.

Mais qu’entendez-vous par chose artistique ?

Et bien justement, je n’en sais rien encore ou si peu. Je voudrais avancer patiemment vers l’identification  de cette chose là. Une chose. Pas un poème ni une œuvre, ni un plaidoyer en faveur de l’art et des artistes. Mais ce qui reste quand on a poussé assez loin l’analyse et la critique de cette célébration consensuelle de l’artistique.
Duchamp Dirais-je que cette chose serait, au bout du chemin à parcourir, comme un objet trivial. Un banal urinoir qui resterait là, opaque dans sa facticité d’ustensile, après qu’on aurait dissoute la révolution fondatrice de Marcel Duchamp. Non. Fausse piste, trop facile.

Dirais-je encore que le travail à accomplir pour circonscrire la chose artistique est une entreprise de désacralisation du discours mystique à la Malraux, une profanation délibérée de l’art conçu comme la poursuite des frissons sacrés de l’extase relieuse par d’autres moyens ? Non, fausse piste là encore, trop générale. Trop de hauteur de vue, c’est à dire trop superficiellement profond comme le bavardage des faux prophètes du contemporain et de la post-modernité.

Plus simplement, je me contenterais volontiers d’être profondément superficiel.

Une seule chose me semble un peu acquise, l’enquête sur la chose artistique se situera dans le champ de la sociologie de la culture. La référence ne doit pas effrayer : il s’agit d’une discipline intellectuelle très salutaire mais bien plus simple que ne le laissent à penser ses modernes théoriciens. Cette sociologie de l’habitus peut, en effet, se résumer en une seule phrase :

« Au séminaire, il est une façon de manger un œuf à la coque qui annonce les progrès faits dans la vie dévote ».

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Arcadi_77_10

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